« Et bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble magma d’émotions, de souvenirs, d’images qui se trouve en moi, d’autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire, la syntaxe par laquelle ils vont être ordonnés et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte se cristalliser.
Et, tout de suite, un premier constat : c’est que l’on n’écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre le vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention. »
Claude Simon, Discours de Stockholm, Minuit, 1986, p.25