la phrase

« Je vois la phrase, elle s’incarne, c’est la clôture de barbelés que les hommes tendent entre deux piquets de châtaignier ou de chêne fortement équarris ; les enfants sont là, ils aident, ils assistent, ils fournissent le marteau, les tenailles, les crampillons, ils portent, ils transportent, ils galopent ; et ils voient, ils pourraient  voir la phrase se tendre entre deux piquets de châtaignier comme entre la majuscule et le point ; ils n’y pensent pas, évidemment ; ils n’y pensent pas mais ils sont traversés par ces choses et ces gestes, comme la clôture et le phrase sont traversées par l’air qui les fait vibrer. »

Marie-Hélène Lafon, Chantiers, Éditions des Busclats, 2015, p. 21 et 22.

le temps d’un grain, son amiral

« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. Un moment nous serons l’équipage de cette flotte composée d’unités rétives, et le temps d’un grain, son amiral. Puis le large la reprendra, nous laissant à nos torrents limoneux et à nos barbelés givrés. »

René Char, Chants de la Balandrane.